La vidéo montre Maxime qui s’exerce au ballon, devant des monuments parisiens – la Cathédrale de Notre-Dame et le Musée du Louvre. Vous y verrez aussi des buts et passes décisives de Max, au sein de l’équipe junior du "PSG", y compris son super-tir en "ciseaux retourné", après quoi son entraîneur l’a surnommé "l’Ibrahimovic russe".
Dimitri SIMONOV
Un garçon jongle avec un ballon, sur le parvis de Notre-Dame. C’est là que j’ai vu Maxime pour la première fois. Pouvais-je imaginer que ce garçon maitrisant si habilement son ballon, au pied d’un des plus célèbres monuments parisiens, était Russe? Non, c’était impensable.
Pourtant, le destin de Maxime et de sa maman Valeria prouve de manière flagrante que, dans la vie, pratiquement rien n’est impossible.
J’ai fait connaissance avec eux, environ une heure plus tard: ils étaient à la table voisine, dans un agréable petit restaurant de cuisine française traditionnelle, situé à cinq minutes de Notre-Dame. Max et Valeria sont allés dire bonjour à mes voisins, des journalistes connus qu’ils avaient vus tant de fois à la télévision. A peine j’eu appris l’histoire de la famille Samoïlov que j’ai cédé ma portion de magret de canard et de cuisses de grenouilles à l’usage exclusif de mon ami Igor Rabiner (les grenouilles, heureusement, n’étaient pas très bonnes, si bien que, contrairement au canard, je ne les ai pas regrettées). Et je me suis mis à écouter cette histoire, comprenant que c’était, peut-être, pour des moments pareils que j’étais resté ici, durant 34 jours, afin de couvrir le Championnat d’Europe.
Il y a deux ans, Maxime était attaquant du club "Spartak"; aujourd’hui, il est meneur de jeu central du "PSG", capable également d’attaquer à gauche ou à droite ("N’importe où, à l’attaque", – dit Maxime). Un vrai légionnaire russe en Europe. Un joueur qui a, en même temps, la maitrise du football et le caractère d’un guerrier.
Il n’a que 13 ans et alors?
LA RÉALITÉ RUSSE
"Tout le monde a une équipe favorite: pour les uns c’est "Spartak", pour les autres c’est "Madrid", pour d’autres encore c’est "Barcelone"... – dit Valeria. – Tandis que Max a toujours eu en tête le "PSG". Et ce n’était pas un rêve, c’était un objectif. Un objectif réalisable. Un impossible qui devait être possible. Depuis sa plus tendre enfance, Maxime ne raisonne pas comme tous les enfants. Il se voyait déjà là-bas. A un moment – on était encore en Russie – il s’est mis tout d’un coup au français, son objectif étant le "PSG". Et, d’abord, je n’ai pas fait attention".
"En réalité, j’aime également "Barcelone", mais impossible de s’y retrouver comme ça. – Maxime explique la logique de son choix, logique qui n’est pas celle d’un enfant de son âge. – A vrai dire, en définitive, mon rêve est de jouer dans cette équipe. Mais on ne peut pas passer chez "Barcelone"juste après avoir joué pour "Spartak". Tandis qu’après le "PSG"c’est possible. Il faut avancer petit à petit, en jouant des matchs internationaux, il faut réussir".
Valeria poursuit: "Maxime jouait pour un des meilleurs clubs du pays – "Spartak"; il était assez connu à son niveau ; il recevait des prix lors des matchs. À un moment, Maxime est passé au club "Lokomotiv", il a joué un match en Turquie, où on l’a reconnu comme meilleur joueur. Ensuite, il est revenu chez "Spartak". Tout allait son train.
Mais notre système russe est assez... spécial. À un certain moment, tout a brusquement changé pour Maxime. Je lui demandais: "Alors, cet entrainement?". Il répondait d’un air sombre: "L’entraîneur m’a donné un ballon et m’a dit: va jouer". Il commençait à perdre de l’intérêt, il ressentait une absence d’opportunités de développement. Pourtant, Maxime a toujours voulu arriver à des résultats sérieux.
Max ne participait pas aux matchs. On disait tout le temps de lui: il est le meilleur, il est le meilleur, il est le meilleur. Alors que l’entraîneur affirmait: "Ce Samoïlov ne sait pas jouer". Il ne sait pas jouer? Eh bien, tant pis… Je ne veux juger personne, mais je suis persuadée qu’il y a des gens qui ne se réjouissent pas du succès de leurs propres disciples. Personne ne sait pourquoi. C’est vexant.
Autre chose nous agaçait. Vous savez comment ça se passe en Russie. Quand il y beaucoup de "fils de"… de parents très aisés".
"Pas de noms". – sourit Max d’un air entendu. Il est en correspondance avec ses copains en Russie et ne veut vexer personne.
"Ce sont ces enfants qui, après "accord passé avec l’entraîneur", devaient jouer. – prend à nouveau la parole sa mère. – Tandis que les meilleurs devaient attendre. Max disait: "Je préfère aller jouer dans la cour, ça sera la même chose". Avec une approche pareille, il n’y a pas de différence. Mais telle est la réalité russe".
LE "PSG"
Après avoir été confronté aux spécificités du football des juniors en Russie et rêvant d’autre chose, un jour, Maxime a demandé à sa mère d’envoyer son dossier sur le site du "PSG".
"J’ai pris les vidéos de ses tirs, son dossier et j’ai tout envoyé au "PSG", – dit Valeria. – Environ un mois plus tard, j’ai reçu une réponse. On nous invitait à nous présenter. Honnêtement, je ne m’attendais pas à ce qu’on me réponde. Je n’y pensais même pas. Tandis que Maxime n’a pas arrêté de dire, depuis le début: "Maman, j’y suis déjà". Il était si sûr qu’il n’avait de cesse de me relancer: "Alors, on nous a déjà répondu?".
"Je savais qu’on me répondrait", – dit Maxime. Et ça explique tout.
"On s’est hâtés de faire les formalités ; mine de rien, on allait en France et pas chez nos voisins. On a pris l’avion pour Paris. Maxime pouvait déjà un peu parler français. On sentait que son rêve se réalisait. Max débordait d’émotions: c’est pour maintenant, voilà-voilà! Tandis que moi, je voulais juste aider mon enfant à frôler, à se rapprocher de son rêve. Je ne faisais aucun projet, à l’époque, je n’étais sûre de rien. Je pensais tout juste qu’il fallait répondre à ce rendez-vous".
La présentation a eu lieu au centre de formation des juniors du "PSG", qui, de même que la base d’entrainement de l’équipe principale, est situé à proximité de la ville de Saint-Germain-en-Laye, à 20 kilomètres de Paris.
"Les Français c’est une histoire à part ; ils ne sont pas du tout comme nous, – rit Valeria. – Après la réalité russe, on s’est retrouvés dans la réalité française. Mais on tâchait de ne pas faire attention aux difficultés. Pourtant on y a été confrontés dès le début. Les Français sont des gens, pour ainsi dire, peu pressés... Nous cherchons un certain Pierre, qui est mentionné dans la lettre, mais c’est un certain Jean qui arrive à sa place. "Pierre n’est pas ; venez nous voir, je ne sais quand, je ne sais où". Mais en fin de compte, on a trouvé, on y est arrivés. L’entraineur est venu et a dit à Max: "Allez, vas-y!". Et Max y est allé, dès qu’il s’est retrouvé sur le terrain.
Pour tout le monde, à l’académie du "PSG"Maxime était d’abord considéré comme une bête curieuse: il suffit de regarder les photos. Tout le monde voulait voir le petit Russe, non seulement les entraîneurs, mais aussi les parents des autres enfants. Après la première présentation, l’entraîneur nous a proposé de revenir le lendemain: il ne pouvait pas prendre de décisions, seul: un conseil devait se réunir.
"Je ne comprends rien aux nuances du football, mais les gens qui sont allés voir Maxime, avaient les yeux écarquillés", – dit Valeria.
Là, elle devient toute fière, tandis que Max continue à se conduire comme si cette histoire n’avait aucune importance. Il ne peut pas rester en place, il préfère, de loin, s’entrainer avec son ballon et, pendant que je m’entretiens avec sa mère, il sort dans la rue, surveillé par sa nouvelle connaissance – l’entraîneur Andreï TALALAEV, qui se trouvait également à notre table, au restaurant. TALALAEV lui fait faire un exercice compliqué que Maxime n’a jamais réalisé. Après plusieurs tentatives, Max arrive à le faire 10 fois de suite, ainsi qu’Andréï le lui avait demandé. J’écoute leur conversation, gardant une oreille distraite sur le récit de Valeria et comptant sur mon dictaphone ; j’entends ce que dit TALALAEV: "Etre capable d’apprendre est, peut-être, la chose la plus importante dans le football. Tu apprends bien. Récemment, j’ai fait faire cet exercice à un garçon. Vers la fin de la journée, il n’a pu le réaliser que six fois...".
Les paroles de Valeria nous ramènent au "PSG": "Maxime ne leur a jamais donné prétexte à douter de lui. J’ai appris que, même si ce n’est, peut-être, pas exceptionnel, c’est rare qu’on dise, dès la première fois, à un enfant: "Nous le voulons dans l’équipe. Allez, on le prend!". Plus tard, Max m’a répliqué: "Alors, qu’est-ce que je t’avais dit?!". Moi, je me suis dit: "Ça alors!"…
C’est là que Valeria a été confrontée à un choix difficile, très mature, même trop mature et qu’un enfant, enthousiasmé par son succès, ne pouvait pas comprendre. Quitter son pays, renoncer à tout ce qui restait en Russie, se retrouver tous les deux dans une ville inconnue, dans un pays étranger, sans aucune certitude que tout cela aboutira à quelque chose.
LES PORTES DE L’ASCENSEUR. PREMIER, DEUXIEME, TROISIEME, QUATRIEME, CINQUIEME, SIXIEME
Malgré tout, elle a décidé de "courir plutôt que tenir": "A l’époque, je venais de terminer un projet, dans le cadre de mon travail, j’étais libre de toutes obligations professionnelles. Et du reste également... J’ai décidé de partir, parce que je comprenais: jouer au "PSG"était, plus que tout au monde, important pour lui.
Et nous voilà arrivés. Il est incorporé à l’équipe. On lui délivre son équipement, une licence de la FIFA et de l’UEFA. Nous ne sommes pas liés par un contrat avec "Spartak": Maxime n’avait que 11 ans à l’époque. Et, immédiatement, nous nous heurtons à une épouvantable bureaucratie, typiquement française".
"Me qualifier leur a pris trois semaines, – dit Max. – Ils n’arrivaient pas à me faire ce papier. La quatrième semaine, j’ai pu jouer mon premier match de la saison. Mais c’est ça la France. Ici, même les portes d’ascenseur mettent du temps à se refermer".
Au cours de son premier match pour le "PSG", Max a quitté le banc de touche à la 9 minute. Le match avait commencé – deux mi-temps d’une demi-heure. Quand Max, 13 ans, se remémore les péripéties de ce match d’il y a deux ans, sa voix et le style de son discours changent légèrement. J’ai l’impression que le garçon a soudainement grandi ; après le match, on se retrouve dans la zone mixte et je suis heureux de voir qu’il est le seul joueur qui a pris le temps de parler aux journalistes au lieu de passer à côté d’un air imperturbable. Je crains qu’un jour, après avoir acheté deux ou trois voitures de luxe et créé un compte Instagram, lui aussi deviendra renfermé, comme eux. Si bien que je profite de l’occasion et je capte avec mon dictaphone tout ce qu’il dit.
"En arrivant sur le terrain, j’étais un peu inquiet, – me dit le second en date (le premier était Serguei Semak) milieu offensif russe du "PSG". – Mais, plus tard, lors de la première passe, je me suis calmé en pensant que l’important était de jouer sans faire d’erreurs. De jouer comme je joue. Cinq minutes après, j’avais marqué mon premier but. Puis le deuxième. Le troisième. Le quatrième, le cinquième et le sixième".
Six! Pour un premier match! Pour le "PSG"! Même les portes de l’ascenseur français, au lieu de se refermer, ont commencé à applaudir (et, bien sûr, elles le font très, trop lentement). Score final: 11:6 pour le "PSG"avec plus de la moitié des buts de l’équipe marqués par le débutant russe. Valeria se souvient:
"L’entraîneur l’a même fait remplacer: "Attends, relax, calme-toi!". Mais Max brûlait d’envie de retourner sur le terrain parce qu’il voulait jouer. Quand il quittait le banc, il marquait des buts, encore et encore. Max n’a pas beaucoup joué, mais son efficacité a été considérable. Et les autres parents, curieux, faisaient la queue pour venir me dire: "Welcome! Bienvenue!".
JUSTE INIESTA
Très vite, il a été surnommé le Zlatan russe. D’accord, c’est vexant comme surnom, mais Max va devoir s’y résigner.
"C’est un entraîneur qui me l’a donné, – se défile Maxime. – Juste parce qu’au cours d’un match, j’ai marqué un but en ciseau retourné".
Valeria ajoute: "Oui, cet entraîneur n’arrête pas de me demander: "Alors, comment va votre Zlatan?". Mais Max n’aime pas qu’on l’appelle comme ça. Il demande à être appelé Andrés".
"Vous savez, tous les enfants ont leurs joueurs préférés: Messi, Ronaldo, Neymar, – dit Maxime. – Pour moi, c’est juste Iniesta. Parce qu’il est agile. Il prend le ballon et... Avant chaque match, au moment de me coucher, je cherche Andrés Iniesta sur YouTube et je regarde ses vidéos. Je l’observe faire des passes, puis j’essaie de faire la même chose pendant les matchs. Je m’efforce d’être comme lui et de progresser sans cesse. Quand je viens m’entrainer et que ça se passe mal, je le comprends tout seul et j’essaie de faire mieux la prochaine fois. Un jour, au cours d’une réunion, l’entraîneur a dit que j’étais un artiste du football. Comme Iniesta ; on l’appelle artiste, maestro, lui aussi. A l’entraînement suivant, j’avais encore plus confiance en moi".
"Max vit tout le temps de football, même maintenant, quand je vous parle, – dit sa maman dans un geste d’impuissance. – C’est sans parler des vases brisés, des cadres et des lampes. Un jour, j’ai compris qu’il fallait cacher tout ça, parce qu’il est impossible de lui interdire et que je n’arriverai pas à lui expliquer. Il ne regarde pas le football comme les autres enfants. Eux sont assis à manger des chips. Tandis que lui, il est entouré de petits papiers. Il dessine des schémas avec des passes et des combinaisons. Il analyse le jeu.
Max a une belle technique, il maitrise le ballon. On a même filmé des séquences en freestyle, devant de célèbres monuments parisiens: le Louvre, Notre-Dame-de-Paris... Des touristes accourraient prendre des photos. Ils croyaient que ce n’était pas juste un garçon, mais un artiste professionnel ; quelqu’un lui a même jeté des sous".
LA ROUTE
Une route sépare les deux bases du "PSG"– celle des juniors et celle des adultes. On peut y voir de belles voitures et leurs propriétaires, de vraies vedettes. Parfois, des joueurs adultes du "PSG"viennent rendre visite aux garçons:
"Vous imaginez ce que ça veut dire pour un garçon issu du club "Spartak"de parler à, disons, David Luiz. Ce n’est pas la même chose que parler à Dziouba. C’est tout à fait différent. Les copains de Moscou avec qui Max est resté en contact, l’envient".
"Ce n’est pas une critique de la part de maman! – rit Maxime. – J’aime bien Dziouba, je n’ai rien contre lui!".
"C’est vrai, Dziouba est bien! – précise Valeria. – C’est quelqu’un de bien".
Les entrainements à la base Saint-Germain-en-Laye ont lieu trois fois par semaine, le samedi ou le dimanche il y a des matchs. Le trajet dure environ deux heures: en métro, puis en RER, puis à pied ou en bus. Il y a peu de temps entre les horaires scolaires et l’entrainement de football le soir. Et la maman de Maxime l’attend à la gare pour lui remettre un gros sac à dos à la place d’un autre contenant son équipement, ses protège-tibias et ses chaussures de football. La première année, ils allaient ensemble à tous les entrainements. Valeria raconte:
"Absolument tous les enfants venaient en voiture avec leurs parents. Seule exception: Max et moi. En arrivant au terminus de la ligne rouge du RER, on continuait à pied, par les bois. Ça nous prenait 30 à 35 minutes. On pouvait prendre le bus, mais il fallait l’attendre, il fallait payer et, de toute façon, marcher quelque temps après. Mais on n’a jamais manqué un seul entraînement.
Chez "Spartak"Max avait un entrainement de plus qu’au "PSG", mais les sensations sont très différentes au niveau des efforts fournis et des exercices. C’est un autre niveau. Il en revient affreusement fatigué. Pressé comme un citron.
La première année, j’allais à tous les entrainements. En toute saison. En hiver, le froid, la neige, la pluie. Et nous deux, avec Max on marchait, dans les bois, sous un parapluie. Rien n’est prévu pour les parents qui attendent pendant l’entrainement. J’étais une des rares mamans, étant donné que les enfants étaient principalement accompagnés de leurs pères. Au début, les affaires qu’on avait amenées de Moscou, ne nous suffisaient pas du tout. Des amies m’ont donné des moufles. Les parents français me disaient: "Mais tu viens de Moscou! Les Russes n’ont jamais froid!". Moi, j’étais frigorifiée. Comment leur expliquer que, chez nous, en hiver, tout se passe à l’intérieur, avec des radiateurs, du thé chaud? Ce qui m’a sauvée c’est la chaleur du cœur, celle des émotions. Maintenant, à vrai dire, je ne sais pas comment on a surmonté tout ça.
Aujourd’hui, Maxime y va tout seul. Il connaît le chemin, il peut rencontrer des amis, je peux toujours le joindre au téléphone. Par contre, pour Max, ce n’étaient pas des difficultés. Je m’inquiétais pour lui, comme toutes les mamans, mais chaque entraînement, chaque minute passée au sein du "PSG"le remplissaient de joie.
NAPOLEON, BONBONS ET PASSE ENTRE LES LIGNES
Au cours de l’entretien, Maxime laisse surtout parler sa mère, mais dès qu’elle s’absente cinq minutes, il me raconte toute une flopée d’histoires sur sa vie de petit Russe au "PSG". En voici quelques-unes:
1. "Avant l’entrainement, l’entraîneur nous a dit: "Je donnerai le ballon à celui qui répondra à ma devinette. Et il nous a posé une question d’histoire sur les batailles de Napoléon. Tout le monde s’est mis à réfléchir un bon moment, et j’ai été le seul à donner la bonne réponse. L’entraîneur m’a remis le ballon et a regardé les garçons avec reproche: "Quelle honte! Ce garçon russe connaît l’histoire de France mieux que vous!".
2. "Dès le début, quand on est arrivés, je ne pensais pas qu’on puisse me renvoyer et tout ça. Je savais que je pourrais et je faisais tout pour y arriver. Quand je me suis mis à jouer pour le "PSG", parfois, les garçons se mettaient à me taquiner. Quand la Russie a perdu, j’ai entendu: "Ta Russie, elle sait même pas jouer". Je n’ai rien dit. Qu’est-ce que je pouvais répondre?".
3. "Un jour, maman a donné des bonbons. Après l’entrainement, je suis allé prendre une douche ; puis je me suis rhabillé et, dans le métro, j’ai ouvert mon sac: pas de bonbons. Le lendemain, les joueurs m’ont entouré: "Ah, ils étaient bons tes bonbons". Je ne voulais pas me plaindre, pourtant, au cours d’une réunion, l’entraîneur m’avait prévenu: "Si tu as des problèmes, viens m’en parler". Mais je veux juste être en bonnes relations avec tout le monde".
(Valeria explique: "Chaque trimestre, l’entraineur a une réunion avec les parents. On doit lui montrer les bulletins scolaires, on s’entretient avec lui. Un jour, au cours d’une réunion, l’entraîneur a dit: Max est le seul enfant qui essaie d’être ami avec tous les autres".)
4. "Un jour, le directeur du "PSG"qui, auparavant avait travaillé au centre de formation de "Barcelone", est venu nous voir. Pendant le jeu, j’ai fait une passe décisive – une passe entre les lignes (vous savez, j’aime tellement faire les passes entre les lignes). Un garçon a marqué un but et j’ai très content parce que je voulais justement faire une passe entre les lignes". Après le match, je vois le directeur qui serre la main de tous les joueurs, tandis que moi, il m’a, en plus, tapoté l’épaule. Je me suis demandé pourquoi il m’a tapoté l’épaule?
LA BLESSURE
Maintenant, Max parle couramment le français et fait ses études dans une école française. Les entraîneurs du "PSG"de tous les âges le connaissent bien. On peut trouver sur YouTube des vidéos de matchs du "PSG"avec sa participation, tandis que ce que fait ce garçon avec le ballon n’est pas à la portée de certains professionnels adultes. Selon sa mère, pendant les matchs des entraîneurs et des parents de joueurs d’autres équipes viennent régulièrement voir Maxime: "Tu es Russe? On a entendu parler de toi!"
En France, le Zlatan russe au cœur d’Iniesta connait non seulement des succès, mais aussi de grandes déceptions. La vie est trop dure pour que tous ses rêves se réalisent.
"C’est à cet âge que commence la sélection traditionnelle pour le Centre National du Football en France "Clairefontaine". C’est en quelque sorte l’équipe nationale chez les enfants, – raconte Valeria. – Ils sont sélectionnés dans tout le pays, dans tous les clubs, ils sont testés dans leurs régions et dans leurs villes. Les meilleurs viennent à Paris, où ils passent des tests en sept étapes. Les gagnants sont formés, là-bas, durant une année
Sans passeport français Maxime n’avait pas le droit de participer. Mais l’entraîneur du "PSG"a dit à ses collègues: "Vous devez le voir."Max a été admis aux tests. Devant l’entrée, certains parents étaient indignés: "Vous n’êtes pas Français, que faites-vous ici?". Max a passé, sans problèmes, plusieurs étapes de base, où le taux d’abandon est très élevé. Avant le dernier test, les enfants passent toute la journée, là-bas: les entraîneurs observent leur conduite à table, leurs relations avec les autres enfants, leur façon de parler ; ils s’informent sur les résultats scolaires.
Mais Maxime n’a pas réussi à se qualifier. Durant la sixième étape, au cours d’une visite médicale, le médecin a, soudain, trouvé une blessure au genou du garçon et il lui a interdit toute participation ultérieure. Pour Max, cela a été un coup doublement dur: quelques mois plus tard, il devait participer à une grande coupe internationale avec "Juventus"et "Manchester City", un match, où il rêvait de faire ses preuves.
Sa maman raconte: "C’était terrible! Maxime voulait jouer, même avec son genou blessé voire sans genou, mais le médecin lui a dit: "Si tu es intelligent, tu te soigneras durant quelques mois. Si tu fais l’imbécile, tu reviendras tout le temps me voir, dans six mois, dans un an...".
"J’ai calculé que j’avais exactement trois mois pour récupérer avant le match international. – prend la parole Maxime. – Mon genou avait guéri. Quand il ne restait qu’une semaine avant le match, j’ai pu participer à un jeu régulier et je me suis cassé le poignet. On perdu à la suite d’une série de penalties. Je n’ai pas pu marquer. J’étais terriblement déçu, parce que j’avais compris qu’apparemment, je ne pourrai pas participer à la coupe.
Mais il est avéré que c’était une fêlure et non pas une fracture. Le médecin a dit qu’il fallait mettre un plâtre. Mais d’abord, il fallait acheter une languette. J’ai eu mal en enfilant mes vêtements et même en nouant mes lacets de chaussures. Mais je suis quand même allé m’entrainer. Les entraîneurs n’étaient pas contents. Je leur ai répondu: "Si j’ai mal, j’arrête". A l’entrainement suivant, je suis arrivé la main dans le plâtre. Et l’entraîneur m’a porté sur la liste des participants au match. J’étais heureux.
Résultat: j’ai joué trois matchs ; c’était dur de courir et je ne pouvais pas montrer tout ce que je savais faire. Dommage, parce que beaucoup de gens nous observaient: entraîneurs, directeurs. J’étais déçu jusqu’aux larmes, parce que... Enfin, vous comprenez".
Cette histoire a appris à Max quelque chose de simple et d’important: il ne faut jamais abandonner. Afin de reprendre rapidement sa forme après sa blessure et sa fêlure, il s’est mis à s’entrainer quatre fois par semaine au lieu de trois, il venait à un entrainement de plus, destiné aux plus jeunes:
"Les enfants de mon équipe me demandaient: Pour quoi faire? Je répondais: Parce que je le veux. Si vous ne voulez pas, ce sont vos problèmes. Maman me demandait qui de mes amis était là. Je répondais: "Personne. Ils sont tous en vacances".
Vidéo d’un match de l’équipe juniors du "PSG", avec la participation de Maxime
LA MISSION
Cet été, les Samoïlov se rendront à Moscou. Il leur faut déposer leur dossier à l’Ambassade de France afin d’obtenir un nouveau permis de séjour, et alors Maxime continuera à jouer pour le "PSG". Sinon... "N’en parlons pas maintenant!". Brusquement, Max coupe court à la tentative de sa mère d’exposer un éventuel plan B. Valeria rit: "Vous voyez, c’est simple, nous n’avons pas le choix".
Maxime doit encore prouver ce dont il est vraiment capable dans le grand football et à quel point la réalité, et non pas un monde imaginaire, est adaptée à ses rêves et ambitions. Il sera encore confronté à ses plus importantes victoires et défaites. Tandis que sa maman a déjà gagné, même si, peut-être, elle ne le comprend pas encore. Car ce n’est pas le but en soi qui importe, mais le chemin qu’on fait pour y parvenir. Et aussi les gens qui vous tiennent la main, pendant que vous avancez.
En fin de compte, même la cathédrale, sur le parvis de laquelle j’ai vu Maxime jongler avec un ballon, porte le nom d’une mère.
"On a des problèmes au quotidien, – dit Valeria, quand je la questionne sur les difficultés de séjourner dans un pays étranger. – Et il y a, bien sûr, suffisamment de difficultés, mais je ne voudrais pas en parler. J’élève Max toute seule. Et depuis très longtemps. Je n’ai que lui, mon seul et unique Zlatan adoré… C’est, peut-être, ma mission d’être maman. Sa maman. Je suis heureuse de pouvoir m’acquitter de cette mission aussi bien que possible. Il y a beaucoup de problèmes liés au football pour les hommes et, d’autant plus, pour moi. Certains pères, par exemple, prennent des entraîneurs à part pour leurs enfants. Mais nous ne pouvons pas nous le permettre. Si bien que Maxime est tel qu’il est.
On s’est tellement investis physiquement et émotionnellement. J’espère vraiment que, maintenant, aucun obstacle bureaucratique n’empêchera Maxime de rester au "PSG", d’avoir une nouvelle chance de réaliser ses talents et d’aboutir sur sa voie. Et je suis persuadée que, sur cette voie, on arrivera ensemble à faire quelque chose de bien. Aujourd’hui, quand on parle des joueurs de football, on mentionne d’abord l’argent, les salaires, mais pour Max ça n’a aucune importance. Il veut trouver sa place dans la vie. Et il sait que cette place c’est le football".
... On s’est vus une dernière fois avec Maxime, la veille de mon départ de France, après le match Espagne-Italie. Max revenait d’une fan-zone, située au pied de la Tour Eiffel ; il portait un drapeau espagnol et ses yeux étaient pleins de tristesse. Son joueur préféré, Andrés Iniesta, venait de quitter le championnat. Le garçon a raconté: "Quand Andrés a shooté en direction des buts et que le gardien a paré le coup, je me suis mis à scander: Iniesta, Iniesta! Tout le monde s’est tourné vers moi, l’air surpris ; et, bientôt, on était là, tous ensemble, à scander son nom…!".
Quand on s’est quittés, Maxime a demandé: "Quand reviendrez-vous?".
Je n’avais pas de réponse, mais j’en ai formulé une, d’abord, pour moi-même (et je tiendrai parole sans faute): "Je te promets d’être là pour ton premier match au sein de l’équipe nationale". J’ai regardé le drapeau espagnol et j’ai ajouté: "L’équipe nationale de Russie".
Max a immédiatement ajusté nos plans: "C’est pour quand la prochaine Coupe du monde après celle de 2018? Pour 2022? Eh bien, c’est là-bas que j’irai".
"Au Qatar? – j’ai rapidement fait mes calculs. – Ça sera quand même un peu tôt. Tu n’auras que 19 ans. Et Golovine, le joueur le plus jeune de l’équipe nationale russe ayant participé à l’Euro-2016, en avait 20".
"Non, non. – me rassure Max. – Je participerai à la Coupe du Monde de 2022".
Et, vous savez, le plus étonnant c’est que je l’ai cru.
Paris – Moscou